Le grand retournement

(voir séquence en question)

 

 

Que nous soyons des êtres qui faute d’instincts sommes dotés de technè (savoir-faire inventés et donc artificiels), c’est ce qu’avait vu depuis longtemps Aristote. Fixiste cependant, il ne s’est jamais demandé comment un être naturel pouvait devenir un être d’artifice. C’est ce grand retournement qu’évoque le beau film de Jean-Jacques Annaud, La guerre du feu. Faite de créatures presqu’encore animales et pas encore humaines, l’époque dite préhistorique est, pour l’animhumanité, celle du basculement de l’axe du monde. Celui-ci est, comme on le sait depuis les Mystères, un phallus et c’est dans la rotation autour de ce dernier qu’une nouvelle terre tissée de l’union indissociable d’un corps, d’imaginaire et de mots va apparaître. Ce nouveau continent c’est, bien entendu, celui de la culture émergeant depuis et en rupture avec ce qu’on appelle communément la nature. Et rien n’est plus puissant pour marquer ce passage que de montrer avec le cinéaste, à travers l’invention d’éros, comment les corps naturels, sans cesser d’être ce qu’ils sont, deviennent corps humains. Expliquera t’on, enfin, ce passage ? Bien sûr que non si expliquer c’est réduire. On connaît bien la méthode qui consiste à décomposer le mouvement pour montrer comment la forme nouvelle s’engendre de l’accumulation de petites variations invisibles – rien alors de véritablement neuf, mais une continuité logique pour celui qui a pensé et refait le chemin. A ce procédé, parfaitement légitime en son champ, Jean-Jacques Annaud oppose les figures éberluées du héros Naoh et de ses compagnons qui voient pour au moins la deuxième fois l’univers sortir de ses gonds.

 

    

 

La première fois, on s’en souvient, c’était lorsque Naoh en quête d’un feu que sa tribu trop primitive ne savait pas créer, voyait celui-ci émerger des mains expertes de sa nouvelle compagne.

 

    

 

La deuxième fois – et c’est ce sur quoi je vais m’attarder - c’est lorsque cette dernière, prise  (comme il se fait et doit) par derrière et sans chichis, se retourne et invente l’amour face à face.

 

 

 

On notera en passant que ces deux inventions sont liées à la chaleur. Et par chaleur, je n’entends pas seulement la chaleur physique, celle qu’est sensée ressentir un corps sans pensée, réduit au pur sentir – mais, indissociable de celle-là, l’imaginaire, partagé et rayonnant de ces corps-ci, d’une coexistence autour du foyer commun. Le feu comme la chaleur du corps unissent et isolent, ouvrant autour du groupe et des amants, une bulle protectrice dans et par laquelle le processus d’humanisation va se continuer. Comment penser ce dernier ? Contre toute analyse segmentée qui ne voit qu’une parcelle du tout, ce qu’il s’agirait de conjoindre au sein d’une telle étude ce sont, en vrac : les corps, leur mouvement propre au sein de la nature et des artefacts matériels qu’ils créent et utilisent ; l’imaginaire dont il faudrait montrer qu’ouvrant une brèche dans le rapport animal au monde, il rend possible une ouverture et une créativité inédite qui transforme radicalement notre rapport au monde ; la nature commune, partagée, objective et co-produite de cette sphère aussi réelle qu’imaginaire – l’opposition entre les deux perdant ici son sens - qui, par et par-delà la séparation des existants, s’engendre du rapport actif de chaque vie à l’autre et au tout. Ce qu’il s’agirait ainsi de joindre sans pour autant les faire disparaître ce sont les oppositions communes qui nous permettent de penser : l’imaginaire et le réel, le corps et l’esprit, la nature et la culture, le naturel et l’artificiel, moi et les autres, la partie et le tout. Jugeons-en sur cet exemple bouleversant que je m’étais proposé d’interpréter.

 

Ce qu’il me faut en effet penser, c’est le passage de cela (première image ci-dessous) à cela (seconde image) :

 

     

 

Je suggérai, un peu plus haut, qu’une telle pensée ne pouvait être une explication, si par explication on entend réduction, mais, bien plutôt une description qui, à l’encontre d’une pensée de type cartésien visant à nous guérir de l’étonnement conçu comme une maladie infantile de l’esprit, n’efface pas les traits éberlués de Naoh mais s’y engouffre au contraire pour tenter de souligner et de développer la rupture et l’ouverture inédites de mondes inédits dont ils manifestent l’intuition. Car, disais-je mystérieusement, avec ce retournement d’un corps, événement invisible et anodin au sein de la grande nature, c’est pourtant l’univers tout entier qui change de sens et d’axe. Montrons-le.

 

Première image : des femmes, cul nu, qui s’abreuvent au ruisseau. Zone de Texte:  Leur vêtements et leur langage primitifs indiquent qu’elles sont déjà sorties d’un rapport purement animal au monde.  Quoiqu’on dise, en effet, aujourd’hui sur l’existence de cultures animales, c’est à dire d’inventions de pratiques, non innées, transmises dans un groupe - il y a, cependant, un abîme entre ce qu’on appelle culture animale et la culture humaine. Si l’on a, certes, bien raison de noter que l’animal n’est nullement une machine, que parler de « l’animal » est, de plus une abstraction qui recouvre une logique évolutive multiple au sein de laquelle émerge l’animal humain, que, sur une certaine branche de cette évolution naît l’intelligence, soit selon Bergson, la capacité de résoudre des problèmes par l’invention d’artifices techniques, que ce qu’est précisément l’homme a ainsi ses racines dans l’évolution même de la nature, qu’on ne saurait donc couper l’humanité de l’animalité sans s’empêcher de comprendre quoi que ce soit à l’homme… si l’on a donc raison d’affirmer tout cela, il faut aussi, avec le même Bergson, souligner les ruptures. Car ce qui naît avec l’humanité c’est la culture entendue non simplement comme transmission sociale de savoirs sporadiques mais comme ensemble partagé de significations imaginaires incarnées dans des îlots artificiels au sein de la grande nature, îlot dont la structure propre rend possible le déploiement systématique et explosif des inventions – indissociables - du sens et de la technique. Certes, encore une fois, comme l’avait justement pensé Uexkull, il y a bien nécessairement quelque chose de cet isolement, de cette autonomisation d’un monde propre, assimilable à un îlot, dans tout processus vivant, mais ce qu’il s’agit ici de penser c’est la spécificité du monde propre humain. C’est, on s’en doute, tout le propos de Jean Jacques Annaud. De façon tout à fait similaire à Rousseau dans son discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, nous partons de la fiction d’un monde encore à moitié animal et à moitié humain, et l’on montre comment certains traits qui sont encore animaux en viennent à entrer dans la logique inédite de l’invention, de l’imaginaire et du sens. Certes alors, on est sûr que l’on va déconner – en prêtant à ces animhumains des logiques tantôt trop humaines, tantôt trop animales. Mais c’est qu’on ne peut de toute façon faire autrement : nous sommes dans un entre-deux incompréhensible, nous situant dans une phase de transition qui est celle de mutations qualitatives irréductibles à un simple changement de position des corps. D’un côté, en effet, nous avons des bestioles qui se sentent le trou du cul et, pour l’immense majorité, en période fixe de rut, se sautent les unes sur les autres rapidement, pour soi-même et sans chichis ou avec les petits chichis qui, pour l’essentiel, sont ceux, quasi-éternels, de leur espèce. De l’autre, on le verra, une érotisation indissociable de significations imaginaires, une érogénéisation quasi-totale des corps qui deviennent tendanciellement en la moindre parcelle de chair support de fantasme, une bulle relationnelle, enfin, où s’ébrouent deux corps, deux regards et deux imaginaires qui sont bien davantage que la somme des deux. Comment se fait donc le passage ? Il se fait, nous en sommes certains si l’homme est, ainsi que je le crois, un produit de la nature – mais, je suis tout aussi sûr de ne pouvoir le comprendre. Au moins, peut-on le décrire, et c’est - je n’arrête pas de le dire – tout l’apport de ce grand film. Allons-y donc enfin !

 

Donc, disais-je, des femmes cul nu qui s’abreuvent sans grande délicatesse à l’eau d’un ruisseau. Un peu plus loin derrière, un homme du clan qui, attiré par la vue des derrières, en Zone de Texte:  prend une au hasard, là encore par derrière, éjacule puis se barre sous le regard à moitié vide et cependant apeuré des autres femmes qui, visiblement, n’aiment pas trop ça mais bon. Nous sommes vers le début du film et donc, par hypothèse, très proche de l’animalité. Et, en effet, c’est bien ce qu’il semble se passer chez nos amis canins ou chez les chimpanzés (moyennant quelques chichis, il est vrai, « mais bon »,disais-je profondément un tout petit peu plus haut). A vrai dire ici, la métaphysique de l’amour de Schopenhauer fonctionne merveilleusement bien pour expliquer le mécanisme - là où elle échouera à expliquer ce que j’appelle le grand retournement. Ce qui pousse, en effet, ce primate échaudé c’est la quête d’un plaisir égoïste et solitaire dont l’objet se trouve être justement dans la fente présentée par ce cul qui se baisse. Quel hasard ! Cela aurait pu être un tronc d’arbre, sa propre main, un éléphant... Mais ce n’en est évidemment pas un car, dit Schopenhauer, à travers le désir de cet homme, l’embrasement de tous ses sens qui lui fait perdre le peu de raison qu’il avait, c’est, tout comme chez les bêtes, l’espèce qui travaille et le manipule cherchant par le biais de son individualité à se reproduire : avec un éléphant l’espèce se serait éteinte (ce qui, dans un modèle darwinien,  tissé de mutations au hasard, donc sans finalité, a bien pu se produire : il y aurait eu des hommes amoureux d’éléphants – mais ils ont disparu). Rien donc ici encore que d’animal : pas ou peu de chichis, plaisir égoïste, rapidité de l’acte, position unique sans inventivité, objet de désir déterminé et univoque, indifférence relative à (et, ici, de) la compagne, réaction à une pulsion qui naît spontanément du travail de l’espèce en nous...

 

C’est à travers ce modèle là que, dans les débuts du film, Naoh se promène. Pris par un désir subit, il viole sauvagement Ika, sa nouvelle compagne. Peut-on d’ailleurs parler de viol ? Là Zone de Texte:  encore rien n’est simple puisque l’on ne sait pas trop à qui l’on a affaire : encore des animaux ou déjà des hommes ? Quand il n’y a pas d’autres possibles, donc pas de liberté, Ika serait-elle mécontente, ne faut-il pas parler de simple copulation sans plaisir réciproque ? Mais il y a des autres possibles puisqu’autre chose va – et peut donc - arriver ! Mais non ! répondra un bergsonien, cela ne devient possible qu’après coup, le possible posé au préalable étant une illusion rétrospective. Cela se complique cependant un peu, puisque Ika vient d’une tribu plus civilisée et donc, semble t’il, plus avancée sur le chemin de la liberté. Si un gorille viole un juge ou une jouvencelle, ces derniers se considèrent comme violés mais le singe, lui, est innocent et n’est pas un violeur. Passons : ce qui est, cependant, plus certain c’est qu’à la fin du film, un Naoh qui sauterait sur Ika sans lui demander la permission serait désormais bien davantage du côté des violeurs que de ces pauvres et innocents gorilles. Quoi qu’il en soit, au cours de leur aventure, les choses changent peu à peu : des relations de protection, de douceur et d’échange se nouent entre Naoh et Ika. Que se passe t’il, par exemple, dans la tête de Naoh lorsqu’Ika le soigne de ses blessures en lui faisant ce qui ressemble à une petite turlute ? Dans son regard à nouveau quelque peu interloqué nous lisons un mélange de douleur, de plaisir et d’étonnement, à travers lesquels un imaginaire clos semble se fissurer. 

 

 

Amoukar, la brute sympathique, en une image pleine de subtilité, en Zone de Texte:  perdra sa courgette. Je n’insiste pas là-dessus, quoiqu’il y ait sûrement beaucoup à dire tant sur l’invention de l’érotisme comme rupture de la courge que sur la formation du cocon humain qui, comme Sloterdjick, après moi, l’a souligné, est la condition et l’effet en retour de l’humanisation. Que la formation d’un tel cocon s’étaye à son tour (ce terme, sur l’importance duquel insiste Castoriadis, marque l’existence de ce qui peut parfois être une condition de possibilité sans être cependant une cause ou une raison suffisante) sur le développement d’une logique affective de l’attachement, de la compassion et de la douceur qui se déploie tendanciellement dans le règne mammifère, c’est aussi évident : il faudrait montrer que la naissance de l’anthroposphère ou de quelque chose qui lui ressemble n’était pas possible chez les insectes ou les reptiles. On trouvera chez E. Morin dans Le paradigme perdu quelques éléments en ce sens encore bien actuels. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse ici : si je cessais un peu de m’interrompre, j’en viendrais enfin au fait qui est le grand retournement, au lieu de le dissoudre dans ce qui, pour le préparer, ne l’explique cependant aucunement.

 

Voilà donc le centre de ma discussion, ce moment de rien du tout, à peine visible sur mon image, même largement agrandie – ce que j’interprète librement comme une intention de l’auteur cachant dans la pénombre l’intimité conquise (à moins que cela soit dû à la qualité médiocre de mon logiciel de lecture…) :

 

 

Oui, Ika se retourne ! Rien d’étonnant pour nous qui sommes habitués aux quadri rotations à double vitesse version latex et costume romain. Aussi, disait Lucrèce en un autre contexte, ne regardons-nous plus le ciel étoilé qui, nous apparaîtrait-il pour la première fois, serait cependant une source d’intense émerveillement. C’est, tout au contraire, à ce regard originaire, celui même, éberlué, de Naoh, que la fiction du primitif nous renvoie ici, brisant ainsi le sol figé de nos habitudes et de nos schémas de perception du monde. De quoi - si j’ose dire - retourne t’il, en effet ?

 

Je fantasme la scène : jusqu’ici il y avait deux corps, deux désirs, deux chaleurs – deux êtres séparés, attirés l’un vers l’autre par une force impersonnelle qui, d’un seul coup, ils ne savaient pourquoi, embrasait leur corps et dirigeait chacun vers le sexe de l’autre. Puis les gestes éternels, sédiment en leur corps du passé de l’espèce. Et le plaisir enfin, feu bref préludant à la séparation et à l’indifférence. Ainsi qu’il en était depuis les origines, deux corps s’étaient perçus, désirés et rejoint, étaient rentrés en transe, puis s’étaient séparés. Comme toujours. Que s’était-il passé ? Rien. Rien de nouveau sous la lune pâle : la nature continuait son œuvre en fécondant les ventres comme elle fait à la terre.

 

Or voilà qu’au sein de la torpeur ivre des corps mélangés quelque chose s’éveille, quelque chose se brise. Ika n’en peut plus de désir. Son corps se tord : être ici, pleinement ici, s’échapper, être ici, s’ancrer dans la chaleur qui enflamme son ventre. Où, où aller ? - plus loin, toujours plus profond dans un plaisir inouï que son corps embrasé touche sans cependant jamais en pénétrer le cœur. Ici, ailleurs : dans les bras, dans les yeux de Naoh, tout contre la poitrine qu’elle sent derrière elle - oui le voir et l’enserrer dans ses bras enflammés ! Et Ika se retourne. Le balancier du temps d’un seul coup se détraque. Ika vient de briser les gestes éternels. Les yeux de Naoh s’ouvrent, stupéfaits. Ils s’ouvrent sur Ika en transe de plaisir. Il la voit : elle est belle, fascinante. Et il est à son tour transi de désir, d’un désir obscur, inédit et  intense qui traverse sa chair et sort de son être pour s’enfouir en Ika. Il la sert davantage, il la cherche, il la mord. Il invente à son tour (et moi aussi d’ailleurs). Un monde vient de naître : nous-deux vient d’apparaître, la sphère d’éros, de l’amour charnel, les enveloppe désormais,

« ouvrant dans la nature un nouvel espace-temps

pour l’imagination folle des corps désirants »

(Casimir Bucolic).

 

Cette étreinte là n’est pas terminée. Elle traverse les temps. Le désir qui la tend, la tension ivre qu’elle inaugure ouvre à la nouvelle érosphère un avenir de gestes, de caresses et de mots proprement infinis. Il faut lire l’histoire de l’amour comme une tension croissante qui traverse les êtres et se dépose en gestes, en nouvelles caresses, en mots tendres ou cruels, en rites amoureux, en mondes érotiques, inventés un beau jour par le corps désirant et imaginant des amants de tous temps. Ce qu’il me plaît de voir tout autant qu’inventer c’est que ces mille façons d’aimer, ces mille mondes de sens ô combien incarné sont contenus en germe dans ce moment de rien à l’échelle de l’être, lorsque qu’Ika se retourne. Dans le retournement d’Ika, c’est le corps animal qui devient érotique ; c’est le geste éternel qui devient inventif ; c’est le corps d’une sphère faite de deux désirs qui d’un seul coup se forme. Et se ferme en ouvrant l’espace infini de mondes imaginaires autour de l’être-à-deux.

 

Ce que j’aime à y voir c’est la réalité d’une tension créatrice qui déploie une histoire. Ainsi peut-on lire dans les ricochets de l’enfant, qui sont, selon Hegel, un désir de marquer le monde étranger du sceau de notre esprit et de notre puissance, le développement en ondes des civilisations comme l’histoire supposée d’une appropriation et d’une maîtrise du monde. En un raccourci tout aussi saisissant, dans le premier outil, Kubrick lit, à son tour, toute l’aventure technique : l’arme jetée dans le ciel par l’ancêtre primitif devient une navette condensant en son être le temps long d’une quête.

 

(Voir séquence)

 

On peut lire sur ce thème l’histoire de l’amour comme une longue symphonie, ouverte sur des mondes à nos corps inconnus, dont la caresse d’Ika est la première mesure. Certes la musique, de temps en temps dérape. Elle hésite, elle s’arrête parfois. Elle se fige en rites, se casse la gueule parfois en « tu aimes ça salope !  » et autres mots courtois. Mais ce qu’on sait aussi c’est qu’au sein des millions de millions d’érosphères continue à brûler la flamme allumée, un jour, par Ika. En l’un de ses foyers, d’un seul coup elle s’emballe et embrase les désirs leur faisant inventer une danse inédite faite de corps et de mots qui dans leur tournoiement dessinent l’espace clos d’une voûte étoilée pour un nouvel amour.

 

Que maintenant, après tout cela, le film soit peu compatible avec les données des préhistoriens actuels, qu’il se trompe sur bien des points, c’est ce que souligne à propos l’auteur de l’article La guerre du feu sur wikipédia. On n’en conclura pas cependant, comme semble le faire ce dernier, qu’il faut l’éliminer de toute prétention à la vérité et le ramener au pur jeu gratuit de la fiction : comme toutes les grandes œuvres, et souvent bien mieux que les discours qui se prévalent de la science, à travers un récit inventé, il donne à sentir et penser la profondeur d’une immense vérité. Peu importe à vrai dire, et pour l’essentiel ici, l’inexactitude du quoi, du quand et du comment. Ce qui importe par-dessus tout c’est la mise en lumière du grand retournement qui, d’une manière ou d’une autre, en un temps ou un autre, a fait un jour sortir la nature de ses gonds.

                   Alex Taget