Dictionnaire des idees merdiques

Doigts dans le nez
 



Expression populaire, raillerie. Signification : faire une action si facilement qu’une main peut être mobilisée en même temps pour une autre action, celle de se mettre les doigts dans le nez.
Geste gratuit sur le plan utilitaire (sans fonction de nécessité), mais geste destiné à un tiers dont on se moque (fonction de narguer).
Une première question se pose : pourquoi dans le nez ? Pourquoi pas l’oreille ou la bouche ? (nous ne nous attarderons pas sur l’œil déjà utilisé dans une autre expression)
La réponse la plus évidente est celle du poète : les doigts sont « dans le nez » pour la rime.
L’expression est en effet une réduction populaire d’un célèbre chant patriotique :

« On a gagné,
les doigts dans le nez.
Ils ont perdu,
les doigts dans le cul. »
 
Outre le fait qu’il s’agit d’un chant de la dualité par excellence (On/ ils, gagné/ perdu) :  un chant de deux phrases rimées, mais également un chant sur deux notes (intervalle de quarte qui est rappelons le, également l’intervalle des deux premières notes de la Marseillaise), ce chant nous renseigne sur plusieurs points :
 
1)       Les doigts dans le nez se rapportent à « On », entité collective impersonnelle
2)       Les doigts dans le nez se rapportent à l’action de gagner (réussite)
 
La raillerie que l’expression suppose prend donc un tout autre sens :
Si « Les doigts dans le nez » se rapporte toujours à soi (On), et implique l’action de gagner contre un adversaire (Ils), alors la moquerie est d’autant plus humiliante pour l’autre que la victoire (décomplexée de tout effort), dénonce alors les qualités médiocres, voir nulles de l’adversaire (Ils).
On pourrait donc penser que cette expression est de fait un éloge de la médiocrité de l’autre, cependant il n’en est rien.
 
De nouveau le chant nous renseigne:
 
1)       Les doigts dans le cul se rapportent à « Ils », entité collective connue
2)       Les doigts dans le cul se rapportent à l’action de perdre (échec).
 
Or que signifie réellement cette autre expression « Les doigts dans le cul » ?
Tout comme sa consoeur (nez), elle a su développer un sens inédit et autonome en se transformant en une nouvelle expression de formulation moderne :  (se) retirer les doigts du cul.
Signification : sortir de sa léthargie pour se mettre en action.
 
Nous comprenons à présent toutes les nuances qui se cachent dans ce chant :
Si « On » a gagné facilement (les doigts dans le nez), ce n’est pas parce que l’adversaire (Ils) est médiocre non, c’est parce qu’il est lui-même en deçà de ses propres capacités.
Des lors ce chant devient une véritable invitation au dépassement de soi et à l’optimisation des forces corporelles et mentales : si vous vous réveillez, vous pouvez gagner.
 
De là il n’y a qu’un pas à franchir pour entendre derrière ce chant, la voix de l’expérience : Tous les doigts dans le nez viennent préalablement du cul.
Ainsi nous comprenons que les doigts sont dans le nez parce que se faisant, ils rappellent à notre mémoire olfactive leur situation originelle et tout le chemin ainsi parcouru à travers l’émancipation de nos limites.
L’expression n’en devient que plus forte puisqu’elle évoque explicitement l’état d’accomplissement représenté par le parcours symbolique des doigts.
 
Dans une perspective orporatiste, l’on comprend alors en quoi cette expression trouve sa place dans notre dictionnaire des idées merdiques: Les doigts dans le cul (apathisme), en contact avec le kopros se doivent à l’effort émancipatoire (transcendance verticale : du bas vers le haut, du cul vers le nez) pour sortir du cul, lieu koprique par excellence et atteindre le siège nasal, lieu de tous les félicités (déterminisme du détachement).

C’est cette ascension mystique que résume pleinement Lionel Terray, alpiniste français :
 
« Ce que nous cherchons, c'est le goût de cette joie énorme qui bouillonne dans nos cœurs, nous pénètre jusqu'à la dernière fibre lorsque, après avoir longtemps louvoyé aux frontières de la mort, nous pouvons à nouveau étreindre la vie à pleins bras ».
 
Enfin, nous comprenons que derrière l’expression s’inscrit le choix d’une vie qui nous apprend par son action même à refuser la douleur de notre condition superficielle, et à acquérir de manière stoïcienne cette dignité, c’est-à-dire l’estime de soi indispensable à tout épanouissement. Il serait souhaitable que chaque Orporateur s’interroge objectivement sur ce point.